Noël Tshiani incrimine « le manque de distance suffisante » entre la Banque centrale et le gouvernement en RDC


Dr. Noel K.Tshiani, économiste, fonctionnaire à la Banque mondiale à Washington

Dr. Noel K.Tshiani, économiste, fonctionnaire à la Banque mondiale à Washington

L’économiste congolais Dr Noël K. Tshiani, auteur de « La bataille pour une monnaie nationale crédible » impute l’effondrement du Franc congolais en RD Congo sur les   16 dernières années au «manque de distance suffisante entre la Banque centrale et la branche exécutive du gouvernement et à l’absence d’une vision de développement du secteur financier ».

Réfléchissant sur la « monnaie nationale crédible au Congo-Kinshasa », il évoque les « écarts de gouvernance et les conflits d’intérêts entre l’autorité monétaire et certaines institutions financières de premier plan ».

Il cite également « la qualité insuffisante des produits et services de la Banque centrale, l’absence d’incitations appropriées pour le personnel de la Banque centrale, le comportement affairiste de certains de ses dirigeants ainsi que les ressources inadaptées de la Banque, notamment, infrastructures physiques, systèmes d’information, procédures de fonctionnement et de gestion de risques ».

Dr Noël K. Tshiani pense que ces déficiences amplifient les conséquences dans un contexte national marqué par « un environnement politique instable durant plusieurs années ; un manque de cohérence entre les politiques monétaire et budgétaire ; l’absence de stratégie cohérente de développement du pays et de politiques économiques et financières saines ; l’absence de discipline budgétaire et fiscale ainsi que l’insuffisance de la production nationale et la mauvaise gestion des ressources à  maints niveaux ».

Les nationaux marginalisés dans le système bancaire national

Selon Dr Noël K. Tshiani, la perte de contrôle national du système bancaire est une conséquence de la « marginalisation de la participation des congolais dans l’actionnariat des banques et établissements financiers ». Il précise que, sur les 23 banques commerciales du pays actuellement, aucune n’appartient aux Congolais, et toutes sont étrangères.

« Cette situation, explique-t-il, résulte aussi de l’absence de stratégie de promotion claire visant l’implication des institutions et citoyens congolais dans l’actionnariat et le contrôle de ces entités ».

Saluant la formation et le développement récents de banques et établissements financiers en République démocratique du Congo (RDC), il relève que la question fondamentale reste celle de « l’adéquation du système financier tout entier aux besoins de développement du pays ».

Aussi, appelle-t-il à une prise de conscience nationale pour que la RDC se dote « sans délai d’une politique claire de développement du secteur financier soutenant les ambitions de croissance économique accélérée et d’un développement économique et social fondé sur le dynamisme du secteur privé ».

« Sans cette vision, la multiplicité des petites banques étrangères  dotées de maigres fonds propres, et concentrées pour l’essentiel à Kinshasa, restera sans impact tangible et réel sur le vécu quotidien des Congolais et sur l’économie nationale », prévient-il.

Dollarisation à outrance

Dr Noël K. Tshiani considère que le décret-loi 004 /2001 du 31 janvier 2001 autorisant la libre circulation du franc congolais et des devises étrangères sur le territoire national est « contraire à l’Article 170 de la Constitution de la Troisième République. Lequel, établit le Franc congolais comme la seule monnaie ayant cours légal dans tout le pays ».

« Je soutiens que la dollarisation qui consiste en  la libre circulation au Congo du dollar américain, constitue une violation flagrante de ces dispositions constitutionnelles. Toute réglementation de change (y compris le décret-loi 004/2001) autorisant et officialisant la dollarisation contrevient aussi à ces dispositions constitutionnelles », dit-il.

Pour cette raison, il pense qu’il convient dès à présent de respecter la Constitution du pays tant  que ces dispositions constitutionnelles n’ont pas été  modifiées.

« La dollarisation appauvrit la RDC au profit des États-Unis d’Amérique (USA) et favorise le blanchiment d’argent sale. Les revenus de seigneuriage reviennent logiquement à l’émetteur de la monnaie en circulation dans un pays », ajoute-t-il.

Or, poursuit-il, les revenus de seigneuriage sur les dollars circulant en RDC et qui sont estimés à au moins 600 millions de dollars par an,  ne reviennent ni à la Banque Centrale du Congo ni à la RDC, mais plutôt « à la Banque des Réserves Fédérales des États-Unis d’Amérique (Banque centrale américaine), qui en est l’émetteur ».

Par conséquent, en l’absence d’accord de rétrocession des revenus de seigneuriage entre les USA et la RDC, Banque des Réserves Fédérales des États-Unis d’Amérique perçoit ces revenus en laissant circuler le billet vert au  Congo, « alors que, les pertes d’exploitation de la Banque Centrale du Congo, devenues chroniques, sont financées par des subventions  qu’approuve le Parlement congolais chaque année à la demande de l’autorité monétaire ».

Dr Noël K. Tshiani propose donc à la République Démocratique du Congo « de reprendre le contrôle de la monnaie nationale ; de recouvrer la souveraineté monétaire nationale et, de contribuer à mettre fin au déficit de l’autorité monétaire en diversifiant ses sources de revenus, y inclus ceux de seigneuriage ».

Dr Noël K. Tshiani est un haut fonctionnaire international et travaille pour la Banque mondiale  à Washington depuis deux décennies. Il est auteur de trois livres : « Vision pour une monnaie forte »  « La bataille pour une monnaie nationale crédible »  et « Building Credible Central Banks ».

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